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Capitalisation d'expérience « Le Lotus Bus »

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Le Lotus Bus

Ce récit d'expérience est réalisé sur la base d'un entretien de capitalisation conduit en juin 2019 avec :

  • Tim Leicester, Référent en développement du pouvoir d'agir à Médecins du Monde
  • Nora Martin-Janko, Coordinatrice du programme Lotus Bus de Médecins du Monde

Contact : lotusbus@medecinsdumonde.net, 01 43 14 81 57

Principes de la démarche de capitalisation

Ce récit a été élaboré selon les principes de la démarche de « Capitalisation des expériences en promotion de la santé » (CAPS).

Porteur principal Médecins du Monde
Territoire concerné Paris, et territoire national pour les travailleuses du sexe en ligne
Equipe sur le programme 3 salariées (coordinatrice, travailleuse sociale et animatrice de prévention paire [1] ) et une soixantaine de bénévoles
Partenaires Centres gratuits d'information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD), Centres de santé, Centres sociaux de certains quartiers de Paris, hôpitaux, Plannings familiaux
Populations cibles Femmes chinoises travailleuses du sexe
Thèmes abordés Santé sexuelle, réduction des risques, accès aux droits et aux soins, violences, égalité de genre, etc.

Sigles utiles :

  • CeGIDD : Centre gratuit d'information, de dépistage et de diagnostic
  • TPE : traitement post-exposition

Contexte et enjeux

Le Lotus Bus est un dispositif de Médecins du Monde créé en 2003. Ce programme est parti du constat de la présence d’une nouvelle population de femmes chinoises travailleuses du sexe (plusieurs centaines) dans les rues de Paris. Celles-ci n’étaient en relation avec aucune association. Elles étaient très éloignées des structures de soins et mal informées sur leurs droits.

Au départ, le contact fut difficile à établir avec ces femmes ne parlant pas français et méfiantes vis-à-vis des institutions, dans un contexte où de nombreuses travailleuses du sexe étaient arrêtées dans le cadre de la Loi de 2003 de sécurité intérieure instaurant le racolage passif. Malgré tout, ces personnes étaient très désireuses de prendre soin de leur santé : « quand on leur donne les moyens et les outils pour protéger leur santé, elles ne sont pas du tout réticentes. Elles ont vraiment envie de pouvoir avoir ces informations, de protéger leur santé. »

En recrutant des bénévoles sinophones, l’équipe a progressivement pu établir une relation de confiance. Dès le départ, l’objectif du Lotus Bus était de proposer un programme de promotion de la santé et d’accès aux droits pour les femmes chinoises travailleuses du sexe, dans une perspective de réduction des risques, par une approche de santé communautaire [2] , d’empowerment [3]  et de littératie en santé [4] .

Au fil des années, le projet s’est amplifié avec la constitution d’une équipe salariée, et le nombre de femmes rencontrées a augmenté (jusqu’à près d’un millier par an), facilité par un changement de mode opératoire : des interventions dans des locaux fixes directement dans les quartiers de prostitution ont remplacé le bus itinérant. Les thématiques abordées se sont également élargies au-delà de la santé sexuelle : accès aux droits et aux soins, prévention et accompagnement des victimes de violences, etc.

Entre 2010 et 2011, le projet a pris un tournant plus communautaire avec la volonté « d’impliquer plus étroitement toutes les femmes dans le projet », par le recrutement d’une animatrice de prévention et de plusieurs bénévoles paires, toutes actuelles ou anciennes travailleuses du sexe chinoises.

En 2014, le harcèlement policier, notamment dans le quartier de Belleville, devient très important. Certaines personnes concernées se mobilisent et demandent de l’aide à Médecins du Monde pour rédiger un courrier, réaliser un recueil de témoignages et rencontrer la mairie du 10ème arrondissement. Ce groupement de femmes s’est par la suite organisé en association « Les Roses d’Acier », dans l’objectif de favoriser le dialogue avec les institutions. Les membres des Roses d’Acier ont notamment participé à des prises de parole publiques contre la Loi de pénalisation des clients (2016). Lorsque la loi est finalement passée et face à la surexposition des médias, l’association a choisi de se dépolitiser pour se tourner vers l’auto-support [5] et le soutien communautaire. Aujourd’hui, Les Roses d’Acier et le Lotus Bus travaillent étroitement ensemble pour l’information en santé et l’accompagnement des femmes chinoises travailleuses du sexe à Paris, avec une recherche de synergie entre les deux projets.

Enfin, depuis la Loi de 2016, Médecins du Monde observe une augmentation progressive des violences subies et de la prostitution en ligne, obligeant le programme à remettre en question ses modes d’intervention et les thématiques abordées, afin d’être utile à toutes celles qui en ont besoin.

Objectifs du programme Lotus Bus, en matière de littératie en santé

  • Permettre l’accès aux soins, aux droits et à un accompagnement pour les femmes chinoises travailleuses du sexe

  • Rendre ces personnes actrices de leur santé, développer leur empowerment et leur autonomie, au niveau individuel et communautaire

  • Sensibiliser les structures et institutions sur la prise en charge de ces publics (interprétariat, posture, déstigmatisation…)

Modalités d'action (selon les 5 domaines de la promotion de la santé - Charte d'Ottawa)

Ce schéma classe les actions développées dans le cadre du programme selon deux niveaux de lecture :

  • Selon les 5 axes de la promotion de la santé définis par la charte d’Ottawa
  • Selon les publics concernés par chacune des actions : Femmes chinoises travailleuses du sexe (en jaune-orange)  ou Professionnels et bénévoles (en vert)

Les modalités d’actions relatives à la « politique publique saine » et aux « environnements favorables » contribuent à établir un environnement « pro-littératie », défini comme un environnement favorable à la littératie en santé, qui soutient le développement et la mise en application des capacités de littératie en santé [Lemieux V., 2014].

Voir la page Méthodes du dossier Littératie en santé

Quelques points notables du Lotus Bus, en matière de littératie en santé

Accueil de toutes les personnes travailleuses du sexe, mais actions spécifiques et ciblées auprès des femmes chinoises

Les quartiers d’interventions sont choisis par rapport à la présence et aux besoins des travailleuses du sexe chinoises. « L’idée n’est pas de faire de la ségrégation, c’est juste qu’on [ensemble des associations qui accueillent les personnes se prostituant à Paris] travaille le plus possible ensemble et nous, on a ces compétences sur les femmes chinoises. […] L’intérêt d’être ultra spécifique, c’est que c’est très qualitatif, finalement, parce qu’on développe une expertise aussi liée à la culture. »

Accompagnement individuel et ateliers collectifs et pour développer le pouvoir d’agir
  • Les entretiens individuels, pendant les tournées en soirée ou lors des permanences de jour, permettent un accueil et un suivi personnalisés. La travailleuse sociale et l’animatrice de prévention paire accueillent les bénéficiaires pour faciliter les démarches d’accès à la couverture maladie, la prise de rendez-vous médicaux et la lecture de courriers, ou proposer des tests rapides d'orientation diagnostique (TROD) dans les locaux d’associations partenaires. Les bénéficiaires sont obligatoirement présentes lors de la prise de rendez-vous. « L’idée est qu’elles soient en contrôle total de leur parcours de soin, qu’elles sachent pourquoi elles ont ce RDV. Avec la barrière de la langue et le fait de ne pas forcément comprendre comment fonctionne le système de soins, on peut vite être perdu. »
  • Lors des tournées ou des permanences, le Lotus Bus anime également des ateliers collectifs sur des thématiques liées au travail du sexe, au statut de migrant, à la santé (santé sexuelle, égalité de genre, prévention des violences, accès aux droits et aux soins…). Il s’agit de donner les outils pour permettre aux personnes concernées d’identifier les lieux ressources. Le Lotus Bus fait parfois appel à des intervenants extérieurs comme le personnel hospitalier, des juristes, des agents de police, des formatrices paires en techniques d’autodéfenses, etc.
  • De jour comme de nuit, le Lotus Bus distribue des préservatifs dans une optique de réduction des risques. C’est une voie d’entrée pour les femmes qui viennent souvent pour cela au départ, et qui ensuite découvrent les autres services du programme et son aspect communautaire.
Mise en œuvre d’outils accessibles en chinois, ou bilingues chinois/français

Ces outils sont réalisés avec les bénéficiaires le plus souvent possible et parfois avec des partenaires. Le Lotus Bus fait appel à un traducteur français-chinois assermenté puis à un second traducteur pour passer du chinois « lettré » au chinois « plus compréhensible et qui fasse sens pour les personnes. » Les documents donnent les messages clés et sont toujours accompagnés d’explications orales. Les informations doivent permettre à la personne de trouver des manières de faire correspondant à ses besoins, en lien avec ses possibilités et son contexte.

Question des violences de plus en plus prégnantes

« On s’est rendu compte que c’était une problématique à laquelle toutes les travailleuses du sexe étaient confrontées », ayant amené Médecins du Monde à créer un programme spécifique de lutte contre les violences faites à ces professionnelles dans leur activité, complémentaire au Lotus Bus : Jasmine (outils, autodéfense et permanence psychologique). Ce projet émane de la volonté de Médecins du Monde, en partenariat avec le Syndicat du travail sexuel (STRASS) et Les Amis du Bus des Femmes.

Travail sur les questions de genre et les inégalités liées au genre

Pour le Lotus Bus, penser ces questions permet de travailler sur la perception que les femmes ont d’elles-mêmes, et donc sur leur rapport à la santé et à l’accès à la santé. « On évalue les informations qu’on reçoit à travers les biais de genre qu’on a reçus dans notre éducation. Et pas seulement aux questions culturelles. »

Non substitution de Médecins du Monde au droit commun

Ses missions sont de faire de la prévention, d’informer les personnes de leurs droits et des possibilités qu’elles ont pour se soigner, et d’orienter vers les structures existantes. « Et surtout de ne pas déresponsabiliser l’État vis-à-vis de ces personnes qu’il devrait prendre en charge. C'est-à-dire que plus on fait nous-mêmes, plus on va invisibiliser ces populations et moins on va, du coup, favoriser leur accès à la santé et au soin ».

« Les femmes chinoises de Strasbourg - Saint-Denis étaient là depuis très longtemps. Il y en avait beaucoup qui avaient des papiers, elles parlaient bien français, elles avaient leur médecin traitant. Chaque fois qu’on proposait des consultations gynéco, de dépistage, elles disaient : " non, mais moi, c’est bon, je sais où aller ". Au bout d’un moment, on s’est rendu compte qu’on avait peut-être atteint notre objectif. C’est une des raisons pour lesquelles on a arrêté d’intervenir à Strasbourg - Saint-Denis. »

 

 Le programme dans les quatre dimensions de la littératie en santé

Comment s'approprier certains éléments du programme ?

Freins identifiés par la structure, et comment les éviter ou les réduire

Barrières liées à la langue
    • Difficultés d’apprentissage du français pour les personnes chinoises et horaires des cours inadaptés à leur travail, qui instaurent une barrière insurmontable et conduit souvent au renoncement. Par ailleurs, institutions ou associations souvent jugeantes vis-à-vis des migrants qui n’apprennent pas le français.
      • Institutions et autres associations qui ne proposent souvent pas d’interprétariat, d’outils ou de services spécifiques pour les personnes non francophones.
      • Problème de langue et d’accessibilité des discours des médecins : ne parlent pas chinois et utilisent parfois un langage très médical.

Le Lotus Bus accompagne les bénéficiaires dans des structures médicales, sociales ou juridiques pour faire de la médiation et de l’interprétariat (500 accompagnements par an).

Les médecins bénévoles animent les entretiens de prévention en binôme avec un bénévole sinophone (projet d’impliquer également les bénévoles paires pour encore plus faciliter l’accessibilité et l’appropriation des informations).

Des cours de français sont proposés par l’association Les Roses d’Acier, en tenant compte des besoins, difficultés et contraintes de ces professionnelles chinoises.

 

Stigmatisation de l'activité

Cela accentue la méfiance des travailleuses du sexe chinoises, les isole et ne favorise pas leur accès aux droits et aux soins :

  • Par les institutions et les professionnels, parfois dans le jugement vis-à-vis de l’activité de prostitution (professionnels de santé, services de police, interprètes extérieurs…). « Pour la plupart des personnes qui sont dans des situations assez précaires, une mauvaise expérience va être une généralisation ».
  • Par la communauté chinoise. Ces professionnelles sont souvent discriminées et n’ont pas accès à l’accompagnement des associations communautaires (ex. démarches administratives ou de soin).

Le Lotus Bus oriente les personnes vers des médecins partenaires sensibilisés et dans le non-jugement vis-à-vis de l’activité.

Les équipes effectuent un travail de médiation et de sensibilisation auprès des professionnels de santé du « droit commun », des institutions et associations, pour que l’accueil de ce public s’améliore (posture, non stigmatisation, etc.).

Des ateliers sont co-animés par des agents de police, autour des droits des victimes de violences. « C’est toujours positif, ça donne une autre image de la police. Au lieu d’être les méchants, des policiers disent : " Vous avez aussi des droits et c’est aussi notre travail de recueillir vos plaintes quand vous êtes victimes" ».

 

Développement de la prostitution en ligne
  • Cela distant le lien avec le Lotus Bus et entre paires, et augmente les risques pour la santé :
  • Difficultés d’intervention. Ces personnes sont plus isolées et éparpillées sur le territoire national, et ne peuvent pas toujours accéder aux permanences et tournées du Lotus Bus.
  • Diminution de l’effet communautaire et du bouche à oreille, limitant l’accès aux informations et ressources.
  • Personnes plus éloignées de l’accès aux soins. En raison de leurs déplacements réguliers, il est plus difficile pour elles de renouveler leurs droits et de prendre des rendez-vous médicaux, et cela peut engendrer des ruptures de soins.
  •  « Les personnes sont de plus en plus dans des parcours instables, où elles ne peuvent pas s’inscrire sur un territoire, identifier les ressources autour d’elles. […] Il y a beaucoup de personnes qu’on n’arrive plus à toucher. »

Le Lotus Bus a développé des services en ligne et téléphoniques. « C’est l’idée de ne pas se bloquer sur l’échange en présentiel et en physique, et de se dire qu’on peut faire énormément d’entretiens et d’échanges par téléphone. »

Il existe des « prémisses » d’organisations communautaires sur les réseaux sociaux chinois. Ayant été intégrée à ces réseaux, l’animatrice de prévention y diffuse des informations sur les services du Lotus Bus et la santé, répond aux questions, et incite à fréquenter le Lotus Bus.

Médecins du Monde a fait un travail de repérage des structures ressources dans les villes principales de déplacements (professionnels de santé, associations, hôpitaux…), et diffuse ce répertoire sur le réseau social communautaire.

Des « tournées virtuelles » sont en développement,  proposées pour des petits groupes au domicile des personnes.

 

Non stabilité des lieux de prostitution des travailleuses du sexe chinoises
Déplacements réguliers entre les quartiers parisiens et travail sur Internet avec des déplacements, entrainant une moindre connaissance du Lotus Bus et des difficultés pour les travailleuses du sexe de prendre du temps pour venir.

Démarches d’ "aller vers" :

Veille sur les quartiers de prostitution chinoise, et adaptation pour atteindre chacun des publics (ex. avec le bus ou via des locaux de partenaires).

Démultiplication des modes d’échanges : en présentiel, par téléphone, via les réseaux sociaux, en prenant des RDV dans des lieux choisis, etc. 

 

Leviers de réussite, pour favoriser la prise en compte et le renforcement de la littératie en santé 

Equipe hétérogène de salariés et de bénévoles, avec des profils complémentaires
  • Pluridisciplinarité, permettant plusieurs niveaux d’accessibilité à l’information : animateurs de prévention et travailleurs sociaux, professionnels de santé (médecins, infirmiers, gynécologues, sages-femmes, psychologues, psychiatres), bénévoles pairs, étudiants français ayant vécu en Chine apprenant le chinois, étudiants étrangers chinois apprenant le français, chercheurs, etc.
  • Bénévoles et salariés polyglottes (français, chinois, anglais, espagnol, etc.). Les personnes bilingues français/chinois ont un rôle central, afin de rendre plus accessibles les informations orales et écrites pour les bénéficiaires, et aussi faire du lien dans l’équipe « il faut parfois faire l’interprétariat entre le médecin qui ne parle pas chinois et les bénévoles paires qui ne parlent pas français. »
Posture facilitatrice du développement de la littératie en santé :
  • Démarche non jugeante vis-à-vis de l’activité. « Le non-jugement, c’est très central. C’est ce qui fait que les personnes vont avoir confiance et qui va permettre d’être le plus pragmatique possible. »
  • Écoute et empathie pour partir des besoins et du contexte de la personne, dans une démarche d’apprentissage réciproque, afin que les informations échangées puissent être appliquées au mieux. « L’empathie, c’est le point de départ, il faut voir les choses à travers ses yeux pour comprendre : qu’est-ce qu’elle cherche comme information ? Quelles sont les informations qui vont faire sens, qu’elle va pouvoir mettre en œuvre dans sa vie ? » L’implication des bénévoles paires permet notamment à l’équipe de se mettre « à la place ». « Tout le monde doit faire cet effort-là et on essaie de travailler beaucoup sur la posture. Essayer de ne pas projeter des choses qui nous paraissent logiques, mais essayer de comprendre les barrières, les difficultés des personnes. »
Approche communautaire

Permet de créer du lien entre le Lotus Bus et les travailleuses du sexe chinoises, pour être au plus près de leurs besoins, établir une relation de confiance et favoriser le développement de compétences en littératie en santé. « Le fait de former quelques personnes au sein de la communauté, par ricochets, ça renforce l’information au sein de la communauté. »

  • Association communautaire Les Roses d’Acier. L’association est entièrement gérée (sauf les aspects administratifs) par des femmes chinoises se prostituant. Elles fédèrent la communauté, organisent des activités de soutien communautaire, diffusent des informations en matière de santé et facilitent le lien avec Médecins du Monde (orientation, ateliers…). « Elles se voient comme complémentaires avec le Lotus Bus ».
  • Salariée et bénévoles paires. Elles aident à établir un lien de confiance entre les femmes chinoises travailleuses du sexe et le Lotus Bus, et à partir de leurs « expertises concrètes de la vie » elles rendent plus accessibles et appropriables les informations transmises en matière de santé. « Elles vont vraiment savoir passer cette information pour qu’elle fasse sens pour la personne. »
Développement de l’autonomie et de l’empowerment des personnes

L’objectif du Lotus Bus et des Roses d’Aciers est de valoriser et développer les connaissances et compétences dont les personnes ont besoin pour s’autonomiser dans leur parcours de soin, « qu’elles aient les connaissances qu’il faut pour se protéger, l’accès aux outils et qu’elles connaissent les structures où elles peuvent aller ».

  • Valorisation et prise en compte de leur parole. « Valoriser les compétences des personnes, ne pas les voir comme des personnes-objets incapables de faire les choses par elles-mêmes. »
  • Évaluation du degré d’autonomie. Médecins du Monde n’évalue pas le niveau d’autonomie uniquement avec le niveau de maîtrise de la langue française « on peut être autonome, tout en ne parlant pas français », mais aussi en fonction des connaissances des structures ressources, le fait de prendre rendez-vous et d’ « oser » s’y rendre seule, de comprendre son problème de santé, etc.
  • Ne plus intervenir lorsque les personnes sont autonomes. « Avoir la décence de ne pas se rendre indispensable quand il n’y a plus besoin, quand l’équipe estime que les personnes ont atteint un niveau d’autonomie suffisant, et qu’elles sont orientées et intégrées dans le droit commun ».
Cycle de formations obligatoires pour les bénévoles et accessibles aux membres des Roses d’Acier
  • Éducation à la santé, réduction des risques et fonctionnement des tournées
  • Orientation sociale, médicale et juridique
  • Informations médicales sur la santé sexuelle et reproductive
  • Informations juridiques et législatives, positionnement de Médecins du Monde

D’autres formations peuvent être proposées, sur l’accompagnement des victimes de violences, le counceling [6]  ou les techniques d’entretien. Toutes comprennent une partie sur la posture, et certaines sont adaptées et animées en chinois, afin d’en faciliter l’accessibilité aux non francophones.

Entretien vidéo avec Nora Martin-Janko et Tim Leicester

« On a des personnes au sein de l'équipe salariée et bénévole issues de la communauté, permettant de mieux comprendre les besoins. »

 

Nora Martin-Janko - Coordinatrice

Le Lotus bus c’est un programme de Médecins du monde de promotion de la santé et des droits auprès des travailleuses du sexe chinoises à Paris.

Tim Leicester - Référent pouvoir d'agir

Les femmes avec lesquelles nous travaillons sont très désireuses de prendre soin de leur santé mais sont confrontées à de nombreux obstacles et barrières pour accéder à leurs droits et aux services dont elles ont besoin. Notamment les freins liés à la stigmatisation de leur activité et à la barrière linguistique.

Nora Martin-Janko

Par rapport à la barrière linguistique, nous essayons dans nos équipes d’avoir un maximum de personnes qui parlent chinois pour rendre les informations accessibles, et de traduire tous les documents que nous mettons à disposition en chinois.

Mais ce n’est vraiment pas qu’une question de langue quand on parle d’accessibilité. Il y a toute une question aussi de posture. On essaie de travailler sur l’idée d’être dans une démarche non jugeante vis-à-vis de l’activité.

Et d’évaluer au maximum les besoins avec elles : de faire avec elles, partir de leurs besoins, comprendre quels sont leurs besoins en santé. Et travailler avec elles leurs parcours de soin pour les rendre autonomes et renforcer leurs capacités individuelles.

Tim Leicester

L’autonomie peut se réfléchir aussi bien au niveau individuel : comment rendre chaque personne actrice de son parcours de soin, actrice de sa santé.

Mais aussi au niveau communautaire : comment on renforce la capacité, au sein de cette communauté, à prendre soin collectivement de leur santé. Renforcer les compétences des personnes pour qu’elles puissent s’entre-aider. Travailler sur les questions d’auto-supports et le renforcement des messages et des informations sur la santé qui circulent au sein de la communauté.

C’est à tous ces niveaux que nous allons travailler au sein du projet.

Nora Martin-Janko

Dans le Lotus bus on a des personnes dans notre équipe bénévole et salariée qui sont issues de la communauté, ce qui nous permet de créer du lien avec ces personnes et de mieux comprendre les besoins.

Visuel du Dossier Littératie en santé

Dossier Littératie en santé

De l'accès à l'utilisation de l'information santé

Notes:

  • [1] . Education par les pairs : « Cette approche éducationnelle fait appel à des pairs (personnes de même âge, de même contexte social, fonction, éducation ou expérience) pour donner de l’information et pour mettre en avant des types de comportements et de valeurs. » [Communauté européenne]
  • [2] . Santé communautaire : processus par lequel les membres d’une collectivité, géographique ou sociale, réfléchissent en commun sur les problèmes de leur santé, expriment leurs besoins prioritaires et participent activement à la mise en place, au déroulement et à l’évaluation des activités les plus aptes à répondre à ces priorités. [OMS]
  • [3] . Empowerment : à la fois but et moyen, cette notion renvoie au fait de renforcer le "pouvoir" de chacun afin qu’il puisse l’exercer dans une perspective de santé optimale. Il s’agit donc de développer les compétences individuelles mais [également] d’agir sur les systèmes (environnement, structures, groupes sociaux) pour que ces compétences puissent s’exercer réellement et efficacement. [Tones K. et Green J., 2004] et [Fortin J., 2012]
  • [4] . La littératie en matière de santé désigne « les connaissances, la motivation et les compétences permettant d’accéder, comprendre, évaluer et appliquer de l’information dans le domaine de la santé pour ensuite se forger un jugement et prendre une décision en termes de soins de santé, de prévention et de promotion de la santé, dans le but de maintenir et promouvoir sa qualité de vie tout au long de son existence ». [Consortium de 8 pays européens (Sørensen et al., 2012)]
  • [5] . Auto-support : regroupement  de  personnes  volontaires,  issues  de  la même  catégorie  sociale,  des  "pairs" réunis  dans  le but  de  s'offrir  une  aide  mutuelle  et  de  réaliser  des  objectifs  spécifiques  :  satisfaire  des besoins communs, surmonter un handicap, résoudre un problème social auquel le groupe est confronté dans son ensemble.
  • [6] . « Le counseling, forme d’accompagnement psychologique et social, désigne une situation dans laquelle deux personnes entrent en relation, l’une faisant explicitement appel à l’autre en lui exprimant une demande aux fins de traiter, résoudre, assumer un ou des problèmes qui la concerne. » [Catherine Tourette-Turgis]