Capitalisation d'expérience « Ateliers de promotion de la santé au sein de CHU »

Logos Samu Social et PMI Paris

Ateliers de promotion de la santé au sein de CHU

Ce récit d'expérience est réalisé sur la base d'un entretien de capitalisation conduit en mai 2019 avec :

  • Chantal Roussel, Cadre Puéricultrice Adjointe au Responsable de territoire 1 de PMI (11ème et 12ème), chantal.roussel@paris.fr, 01 53 44 49 10
  • Stéphanie Delsus et Fanny Baudry, puéricultrices de secteur à la PMI
  • Laëtitia Toury, Technicienne d'intervention sociale et familiale (TISF) au CHU Bel Air du Samu social (au moment de la réalisation de l’entretien).

Principes de la démarche de capitalisation

Ce récit a été élaboré selon les principes de la démarche de « Capitalisation des expériences en promotion de la santé » (CAPS).

Porteurs principaux Direction des Familles et de la Petite Enfance - Sous-Direction de la PMI et des familles - Service PMI du territoire 1 (11e et 12e arrondissement de la Ville de Paris) et Samu social - Centre d’hébergement d’urgence (CHU) Bel Air
Territoire concerné 12ème arrondissement de Paris
Equipe salariée sur le programme de la PMI au sein du CHU Bel Air

PMI de la Ville de Paris : deux puéricultrices de secteur, une animatrice-lectrice, une Cadre puéricultrice adjointe au responsable de territoire (11ème et 12ème) 

CHU Bel Air : deux techniciennes d'intervention sociale et familiale (TISF), une directrice

Population cible Familles hébergées en Centres d’Hébergement d’Urgence (femmes avec un enfant)
Thèmes abordés Soutien à la parentalité, santé de l’enfant, hygiène de vie, accidents domestiques, nutrition, sommeil, allaitement maternel, etc.

Sigles utiles :

  • CHU : Centres d'Hébergement d'Urgence
  • PMI : Protection Maternelle et Infantile
  • TSIF : Technicien d'intervention sociale et familiale

Contexte et enjeux

Le projet d’ateliers de promotion de la santé au sein des centres d’hébergement d’urgence (CHU) est né en 2016 d’une réflexion du service PMI du 11ème et 12ème arrondissement de Paris, afin de proposer une intervention collective aux familles les plus précaires, fondée sur un principe de solidarité et qui s’inscrit dans les objectifs des « Etats généraux de la PMI et de la naissance » de 2015 à Paris.

Au démarrage, les ateliers s’adressaient aux familles qui venaient dans les centres de PMI, que ce soit pour l’accueil de puériculture (conseils et pesées) ou pour des consultations auprès des professionnels de santé (sages-femmes, médecins, psychologues, psychomotriciens…). Mais les familles en situation de grande précarité ou hébergées en centres d’hébergements d’urgence (CHU) se saisissaient peu des ateliers conduits au sein de la PMI, alors qu’elles en représentaient le public prioritaire.

Les puéricultrices de secteur, intervenant en visites à domicile ou en permanence de centre, ont proposé de mener le projet directement au sein des CHU, dans l’idée « d’aller vers » les familles. Les CHU sont des dispositifs qui hébergent et accompagnent des personnes en situation de grande précarité, dans des locaux mis à disposition pour un temps donné (de quelques mois à quelques années). Les personnes hébergées dans les CHU bénéficiaient déjà d’actions de promotion de la santé, et la PMI a pu proposer des ateliers supplémentaires dans ce cadre.

Afin de développer les ateliers, les puéricultrices de secteur travaillent en partenariat avec les professionnels des CHU qui le souhaitent. Dans le 11ème et 12ème arrondissement de Paris, le service de la PMI met à disposition les puéricultrices de secteur, qui interviennent par binôme dans les différents CHU du territoire.

Le projet au sein du CHU Bel Air, 12ème arrondissement de Paris

Si des lignes directrices garantissent une certaine homogénéité des ateliers collectifs animés par les puéricultrices sur le territoire parisien, les objectifs et les modes d’intervention au sein des CHU dépendent des équipements et du fonctionnement de la structure, de sa durée d’ouverture, des besoins des personnes accueillies, et également de la volonté des professionnels du CHU.

Ce récit d’expérience illustrera plus spécifiquement le projet conduit au sein du CHU Bel Air géré par le Samu social (dans un ancien hôtel), ouvert depuis mars 2018 pour une durée initiale de 1 an et prolongé jusqu’en septembre 2019. Le centre est en capacité d’accueillir 21 femmes avec un seul enfant (d’autres formes d’hébergement existent pour les familles plus nombreuses et les femmes enceintes). L’âge des enfants varie entre 1 semaine et 6 ans, avec une moyenne d’âge de 1 an et demi environ, et la grande majorité d’entre eux est scolarisée ou accueillis en mode d’accueil collectif.

Ces femmes sont orientées par le Service intégré de l'accueil et de l'orientation (SIAO) de Paris. Elles sont majoritairement originaires d’Afrique sub-saharienne (Congo, Mali, Sénégal, Guinée, pays du Maghreb…) et ont des niveaux de français écrit et oral hétérogènes. Certaines sont particulièrement vulnérables quant à leur niveau de la littératie en santé [1] .

Objectifs des ateliers au sein des CHU, en matière de littératie en santé

  • Rendre chacune actrice de sa santé et de celle de son enfant, développer l’autonomie et l’entraide des femmes hébergées en CHU
  • Améliorer la littératie en santé individuelle et collective de ces publics vulnérables, en matière d’accompagnement à la parentalité notamment
  • Sensibiliser à différentes thématiques de santé concernant l’enfant

Modalités d’action (selon les 5 domaines de la promotion de la santé - Charte d’Ottawa)

Ce schéma classe les actions développées dans le cadre du programme selon deux niveaux de lecture :

  • Selon les 5 axes de la promotion de la santé définis par la charte d’Ottawa
  • Selon les publics concernés par chacune des actions : Femmes et leur enfant, hébergés en CHU (en jaune-orange) ou Professionnels de PMI et du CHU Bel Air (en vert).

Les modalités d’actions relatives à la « politique publique saine » et aux « environnements favorables » contribuent à établir un environnement « pro-littératie », défini comme un environnement favorable à la littératie en santé, qui soutient le développement et la mise en application des capacités de littératie en santé [Lemieux V., 2014].

Voir la page Méthodes du dossier Littératie en santé

Quelques points notables des ateliers au sein des CHU, en matière de littératie en santé

Déroulement des ateliers collectifs réalisés par le service de la PMI

Animation des ateliers par deux puéricultrices de secteur et une animatrice-lectrice, professionnelles de la PMI. Ils accueillent en moyenne 10 femmes et leur enfant, une fois par mois dans l’objectif de proposer un moment de convivialité autour des questions de santé de l’enfant.

Thématiques abordées

Accidents domestiques et gestes d’urgence, nutrition de l’enfant, allaitement maternel, maladies de l’enfant, sommeil, émotions, l’opposition de l’enfant, l’automédication, etc. Les thèmes abordés lors des séances sont proposés par la technicienne d'intervention sociale et familiale du CHU (TISF), en lien avec les problématiques de santé qu’elle repère dans sa pratique quotidienne auprès des femmes et des enfants ; ou celles exprimées par les femmes. « L’intérêt, ce n’est pas de faire un atelier sur un thème précis, par exemple la diversification alimentaire… si ce n’est pas du tout une demande des femmes ».

Autres actions relatives à la santé au sein du CHU Bel Air, pour une promotion de la santé globale et un accès aux droits et aux soins facilité
  • Ateliers sur des thématiques de santé. Une fois par semaine, des partenaires interviennent auprès des femmes et de leur enfant : le Réseau de Santé Périnatal Parisien (RSPP) sur l’alimentation, le Groupe Femmes pour l’Abolition des Mutilations Sexuelles et des Mariages (GAMS) sur les questions de violences faites aux femmes et l’excision, l’association Agir pour la santé des femmes (ADSF) avec le « frottis-truck », etc.
  • Interventions de l’animatrice-lectrice de la PMI « pour proposer le livre le plus tôt possible aux enfants » : lecture aux enfants, mise à disposition de livres et accompagnement en bibliothèque.
  • Cours de français hebdomadaires délivrés par une professeure de français bénévole. Pendant ces cours, les femmes écrivent des articles pour le « Journal des femmes », qui est imprimé pour elles. Elles écrivent sur plusieurs sujets (excision, éducation scolaire, mariages forcés, musique, tissus…).
  • Ateliers de gym proposés tous les dimanches par les professionnels du CHU
  • Ateliers esthétiques mis en place par l’une des femmes hébergées, diplômée esthéticienne dans son pays d’origine

Comment le projet œuvre au renforcement du niveau de littératie en santé des publics, afin de leur permettre de…

Comment s'approprier certains éléments du programme ?

Freins identifiés par la structure, et comment les éviter ou les réduire

Caractère éphémère des CHU et modalités de fonctionnement hétérogènes
  • Caractère éphémère des CHU (en général de quelques mois à 1-2 ans), compliquant l’organisation d’actions sur le moyen ou long terme, et le suivi des femmes.
  • La Ville de Paris comprend des CHU avec des modalités de fonctionnement hétérogènes, et avec de nombreuses ouvertures et fermetures chaque année.

Fiches-actions relatives au projet de territoire permettant à la PMI d’être réactif quand un CHU est prêt à mettre en place des ateliers. « Dès qu’il y en a un qui ouvre, on peut ré-intervenir ».

Adaptabilité des puéricultrices face à l’hétérogénéité des CHU (fonctionnement général, profil des familles, professionnels…)

Accompagnement par les travailleurs sociaux des CHU pour régulariser les situations et stabiliser le logement. Les personnes « ne sortent pas d’un CHU sans rien ».

 

Difficulté pour mobiliser les femmes

Difficultés de faire venir les femmes à l’heure aux ateliers, du fait de leurs autres préoccupations liées à leur situation de précarité et de migration. Obligation de « souvent répéter ».

Et si les familles sont soumises à une évaluation d’information préoccupante, il est encore plus difficile de les faire participer aux actions de la PMI, perçue comme une structure répressive.

Prise en charge des enfants par l’animatrice-lectrice durant l’atelier pour favoriser la disponibilité et l’écoute des mères.

Transmission par les paires, échanges entre les femmes hébergées permettant de développer la littératie en santé au niveau collectif. « Même entre elles, après, quand certaines n’étaient pas présentes celle qui était là va aider les autres et retransmettre ce qui a été dit ».

 

Difficultés liées à la non-maîtrise du français
Notamment quand il n’y a pas de langue commune parlée entre les bénéficiaires d’une part, et avec les professionnels d’autre part.

Traduction par les paires ou par certains professionnels (anglais).

Intervention d’une médiatrice quand une même langue étrangère est parlée par l’ensemble des femmes.

 

Crainte du jugement 
  • Elles ont peur que « leur rôle de mère soit remis en question » par les puéricultrices, dont ce n’est pas la posture. Et elles peuvent avoir tendance à « dire ce qu’on [la PMI et la TISF] a envie d’entendre » pour ne pas être jugées, alors que c’est en décalage avec les pratiques observées par la TISF.
  • Et par ailleurs, certaines femmes ont connu des professionnels adressant des messages de prévention culpabilisants, ce qui peut les bloquer.

Formation des puéricultrices de la PMI aux approches de promotion de la santé, pour favoriser la mobilisation de la parole des participantes, leur prise de parole et l’écoute bienveillante entre les femmes.

Climat de confiance facilité par le lien de proximité avec les TISF, la posture d’écoute et de bienveillance des puéricultrices, et encouragé par la présence des autres femmes hébergées.

Médiation et encadrement des discussions par la TISF, dans une posture non jugeante qui libère la parole avec humour,  ce qui facilite la prise de parole et les débats.

 

Salle commune peu adaptée pour les séances d'ateliers
Avec « des enfants et des gens qui passent », dans des locaux qui n’ont jamais été étudiés pour ça (ancien hôtel). « C’est quand même toujours du bricolage en termes organisation. »

Adaptabilité et inventivité des puéricultrices de secteur.

Coin lecture proposé aux enfants, utilisé par l’animatrice-lectrice.

 

Leviers de réussite, pour favoriser la prise en compte et le renforcement de la littératie en santé

Partenariat instauré entre la PMI et le CHU Bel Air

Basé sur des réflexions communes, la préparation des animations et l’échange continuel pour adapter les séances aux besoins réels des bénéficiaires. « On ne veut pas, simplement, que le centre nous donne un espace pour qu’on puisse aller vers les familles, on souhaite vraiment travailler avec les équipes du CHU. »

Le CHU Bel Air : environnement favorable à la littératie en santé
  • Contrairement à la vie à la rue ou en hôtel (autre forme d’hébergement d’urgence), l’hébergement au CHU Bel Air sécurise les femmes, qui pour certaines sont fragilisées par « l’insécurité hôtelière » et les problématiques de migration, plus ou moins traumatique. « Il faut d’abord qu’elles se sécurisent, qu’elles pensent qu’elles sont tranquilles, au moins pour plusieurs semaines, voire plusieurs mois. ».
  • Les équipements et la configuration du CHU Bel Air favorisent l’autonomie, la convivialité et l’entraide. Ancien hôtel, ce CHU comprend une salle commune qui est utilisée à la fois comme cuisine collective, salle à manger, salle où les femmes peuvent discuter. L’équipement est mis en commun (jeux, livres, musique, peluches, table à langer...) et les femmes s’organisent entre elles, notamment pour les courses et la préparation des repas. Les locaux comprennent également un espace réservé à l’accueil, où « elles savent qu’il y a toujours quelqu’un, avec qui elles vont pouvoir parler ou demander quelque chose. »
Climat de confiance et posture des professionnels (CHU et PMI), permettant la libération de la parole et le développement de la littératie en santé
  • Disponibilité des TISF, présentes toute la semaine, y compris le week-end. Cela permet aux TISF d’avoir une bonne connaissance des familles et des problématiques de santé auxquelles les femmes sont confrontées, tout en instaurant un climat de confiance.
  • Pas de discours culpabilisant ou jugeant, en lien avec les grands principes de promotion de la santé et de santé communautaire. Cette posture est inhérente à la fonction initiale d’infirmière et s’est enrichie par la formation des puéricultrices de secteur à des techniques et outils d’animation spécifiques aux publics non francophones ou en situation de précarité (RSPP ou Ville de Paris).
  • Ecoute et apprentissages réciproques entre « deux savoirs qui se rencontrent ». Valorisation de ce que font les personnes et de leurs compétences (notamment en lien avec leur culture d’origine), afin de « leur renvoyer que ce sont des gens importants ».
  • Collectivité : les femmes se connaissent, ce qui facilite la libération de la parole. « Si elles venaient seules à un atelier en PMI, elles ne connaîtraient pas les autres parents, elles n’auraient pas d’alliées ».
Ateliers interactifs, partant de leurs connaissances et de leurs expériences

Pour leur permettre de comprendre, critiquer et utiliser les informations en santé délivrées, de s’impliquer et de « s’approprier mieux les choses » pendant les ateliers, les puéricultrices :

  • S’appuient sur les savoirs des femmes concernant les différentes thématiques et prennent en compte leurs habitudes et leurs cultures. « Elles sont intéressées, elles ont envie de s’améliorer […] elles ont envie de bien faire avec leur enfant »
  • S’adressent « à la mère, mais aussi à la femme, avec ses savoirs de femme », ce qui facilite la participation des bénéficiaires au cours des ateliers.
  • Encouragent les débats et les échanges entre les femmes, encadrés par des règles de conduite énoncées par les professionnels : « dire où elles en sont, échanger leurs points de vues, leurs désaccords », « pas de réponse juste, pas de réponse fausse, que chacune s’écoute ».
Rôle majeur des techniciens d'intervention sociale et familiale du CHU (TISF) pour ce projet
  • Relai entre les puéricultrices et les familles, pour faciliter la confiance entre chacune et augmenter l’appropriation des informations échangées avec la PMI
  • Mobilisation des femmes pour qu’elles participent aux ateliers (affichages, rappel à l’oral…)
  • Identification des problématiques et des demandes des femmes, afin de proposer des thèmes pour les ateliers (de la PMI et des autres partenaires)
  • Reprise de ce qui est dit lors de l’atelier, dans les semaines qui suivent, pour en favoriser l’appropriation dans le cadre de leur mission de soutien à la parentalité
Supports écrits et vidéos adaptés au niveau de littératie en santé et ciblés sur leurs besoins

Les supports écrits servent principalement comme outils de verbalisation, et doivent être les plus illustrés et simples possible (ex. vidéos de l’OMS, schéma « train du sommeil », flyers de Santé publique France…). « L’idée, ce n’est pas de les abreuver de messages ou de papiers mais de leur montrer des choses qu’on laisse à l’équipe, qui peut l’afficher éventuellement ». Par exemple, les informations relatives à la nutrition sont affichées dans la cuisine collective et les numéros d’urgence sur le panneau d’affichage de l’accueil.

Visuel du Dossier Littératie en santé

Dossier Littératie en santé

 De l'accès à l'utilisation de l'information santé

Notes:

  • [1] . La littératie en matière de santé désigne « les connaissances, la motivation et les compétences permettant d’accéder, comprendre, évaluer et appliquer de l’information dans le domaine de la santé pour ensuite se forger un jugement et prendre une décision en termes de soins de santé, de prévention et de promotion de la santé, dans le but de maintenir et promouvoir sa qualité de vie tout au long de son existence ». [Consortium de 8 pays européens (Sørensen et al., 2012)]